“Les enfants ne devraient pas avoir le droit de participer dans les sports de contact.”

Certes, cette affirmation va susciter de fortes émotions et des opinions variées, particulièrement de la part des athlètes, leurs parents et familles, des entraineurs, des intervenants en médecine du sport, des chercheurs…

Alors, est-ce que cette recommandation, proposée par Dr. Omalu, est justifiée?

Bien que les données probantes démontrent un risque accru de commotions cérébrales chez les jeunes athlètes participants dans les sports de contact (McKee et al., 2014), est-ce que mettre fin au sport de contact chez les mineurs est la meilleure solution? Nous en avons demandé l’avis de différents membres de la communauté sportive!

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(Veuillez noter que cet article comprend des opinions personnelles, basées par moments sur des expériences personnelles, par d’autres sur des données probantes; son contenu ne reflète pas particulièrement l’avis du C-CENTRE – nous vous invitons à nous partager vos commentaires sur notre page Facebook ou par courriel : info@c-centre.ca).

L’équipe du C-CENTRE a contacté un total de 50 personnes – athlètes, entraineurs, professionnels de la santé, chercheurs, enseignants, et parents. Nous leur avons partagé l’article du Dr. Bennett Omalu pour obtenir leurs impressions et leurs avis quant à ses recommandations. Le résultat? Une diversité de réponses et de réactions, mais surtout un partage d’opinions très intéressant! Vous pouvez lire des commentaires et opinions complets ici.

La majorité des réponses comprenaient une perception qui prônait plutôt vers un juste milieu, et non une solution extrême:

« Bien qu’il soit rassurant de voir que les experts sont dans une meilleure position pour se faire entendre [au sujet des commotions cérébrales] […] il n’en demeure pas moins nécessaire de ne pas se résoudre à des décisions absolues. Plusieurs choses négatives menacent nos jeunes, pourtant ce n’est pas préférable de toutes les interdire. Est-ce qu’il faut bannir le “fast-food”, ou mieux éduquer les enfants et les parents? Je prêche pour le deuxième. Est-ce qu’il faut interdire les sports de contact? Je ne crois pas. La clé, c’est le coaching et la qualité des interventions de l’équipe de santé autour des athlètes. […] Apprenons à nos athlètes à bien plaquer, à bien faire leurs mises en échec, à prendre soin de leurs corps, et les sports de contact comme le rugby, le hockey, et le football pourront continuer de contribuer positivement au développement de nos jeunes et de notre société, » François Rodrigue, candidat au doctorat, chargé de cours et entraineur-adjoint (football) à l’Université d’Ottawa.

De plus, le rôle de la sensibilisation, l’éducation et la présence d’une équipe médicale sont des éléments récurrents lors de ce partage d’opinions; selon le médecin, Dr. Maxime Chabot: « […]On doit plutôt mieux dépister et encadrer les athlètes, tant dans leurs entrainements que dans le suivi des commotions. [Nous devons] les sensibiliser [à l’importance de rapporter leurs] symptômes. » Dr. Philippe Fait, professeur-chercheur en thérapie du sport à l’Université de Québec à Trois-Rivières, explique que la recherche démontre que la majorité des commotions cérébrales proviennent de contacts entre athlètes : « […] Une meilleure identification des situations pouvant produire une commotion cérébrale permettrait donc d’apporter des changements importants aux règles et à l’encadrement pour que les activités récréatives et sportives puissent devenir plus sécuritaires. » Enlever le contact à bas âges pour favoriser l’apprentissage et les techniques du sport avant d’intégrer progressivement le contact semblait être la bonne solution pour certains, dont Cédric Amessan, joueur de football à l’Université d’Ottawa. Cédric voit une diminution des contacts en bas âges comme étant « un pas dans la bonne direction. » Charles Routhier, professeur au secondaire, entraineur de football scolaire et joueur de rugby, veut que l’emphase soit mis sur le développement et la sécurité des athlètes avant tout :

« [Dans certaines villes au Québec], il n’y a plus de football avec contact avant secondaire 3. Personnellement, je suis parfaitement d’accord avec ça parce que ça permet de travailler sur d’autres facettes des sports de contact: l’agilité, la lecture de jeu, la rapidité, l’exécution. En apprenant ça en premier, j’ai l’impression que les jeunes essaient de moins “défoncer” [leurs adversaires] et tentent d’éviter les contacts. Plusieurs entraineurs refuseront probablement la science derrière parce qu’ils vont y aller avec des anecdotes personnelles, mais je sais que d’autres seront ouverts à changer les méthodes de coaching et voire même de changer un peu le sport pour protéger la santé des jeunes. »

« Avec ce que nous savons maintenant, nous devons absolument restructurer le sport pour s’assurer que les règlements reflètent nos connaissances scientifiques, soit minimiser les impacts à la tête. Je crois que ceci débute avec la sensibilisation de toute la population. Ceci étant dit, le sport en soit est une partie intégrale, voire même nécessaire, dans la vie d’un enfant du point de vue de sa santé physique et mentale. Tous les sports, avec ou sans contact, peuvent contribuer au développement d’une bonne éthique de travail, la discipline, et j’en passe. […]Nous ne pouvons pas prévenir toutes les blessures, mais il y a plusieurs modifications qui peuvent se faire pour assurer une meilleure protection pour nos enfants à court et à long-terme. Est-ce que cela veut dire seulement permettre le sport de contact à l’âge de 18 ans, je ne suis pas certaine que ce soit la solution optimale. Une intégration progressive du contact dans un environnement sécuritaire, supervisé et contrôlé semble être une meilleure option pour l’instant. Avec la croissance de recherche dans ce domaine, nous avons une obligation de rester à l’affut des recommandations pour protéger nos athlètes, » Bianca Brigitte Rock, thérapeute du sport agréée, candidate au doctorat, et professeur chargée de cours à l’Université d’Ottawa et à l’Université de Québec à Trois-Rivières.

Les parents ont aussi leur rôle à jouer, selon Jennifer O’Neil, physiothérapeute, candidate au doctorat et professeur chargée de cours à l’Université d’Ottawa: « […] En tant que mère d’un jeune garçon, je me vois déchirée entre les bienfaits du sport tout en comprenant les effets néfastes reliés aux blessures cérébrales. Lorsque Dr. Omalu pousse les parents à se questionner s’ils aiment le sport plus que leurs enfants, cela me présente un dilemme moral. Les parents doivent comprendre les conséquences de traumatismes crâniens. […] Malgré le fait que je crois que restreindre la participation aux sports à haut risque pour les jeunes serait la façon ultime de prévenir le dommage au cerveau, je ne suis pas convaincue que la société est prête de suivre ces recommandations. » Un autre avis d’un ancien joueur de football NCAA Division I, Raymond Ndjonok Tonye, maintenant entraineur du développement et du potentiel humain, explique le rôle du football dans sa vie: « On ne peut pas nier à 100% [les affirmations du Dr. Omalu, mais ce sont] des conclusions incomplètes et radicales. Il faut trouver un juste milieu. […] Avec tout ce que mon sport m’a donné, je ne pourrai pas empêcher mon enfant de jouer [pour les bienfaits] du développement physique et psychologique. Le football [a été un outil] qui m’a permis d’évoluer dans la vie. »

Entraineur-chef de l’équipe de rugby masculine à l’Université d’Ottawa, Stephanie Crawley commente sur son rôle en tant qu’entraineur ainsi qu’en tant que mère: « Je me penche vers les bénéfices de la participation du sport, surtout avec l’augmentation de l’obésité et l’isolation reliée à la technologie. […] Le sport de contact devrait avoir une intégration progressive au contact, débutant avec le “touch”. Le coaching, l’identification et la gestion des commotions, et l’instauration d’un système de rapport de blessures sont clés. »

John Boulay, thérapeute du sport agréé, ostéopathe et professeur chargé de cours universitaire, ne veut surtout pas qu’une peur s’installe auprès de la population en générale : « Un peu de sensationnalisme va très loin. Oui, il faut faire passer le message, mais cela va effrayer beaucoup de gens pour rien. […] Nous devons commencer par une meilleure gestion et un rétablissement complet de toutes commotions cérébrales, et avec ça, nous faisons des progrès. » Amy Barrette, thérapeute du sport agréée dans la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec, est du même avis : « […] Si nous [les professionnels de la santé] continuons à nous mobiliser pour bien informer la population sportive sur les TCCL [traumatismes crânio-cérébraux légers], nous contribuerons à une diminution significative de ce type de blessure.»

Croyez-vous que les risques surpassent les bienfaits pour la pratique de sports de contact?

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Nous aimerions remercier tous les athlètes, parents, entraineurs, professionnels de la santé, chercheurs et professeurs pour leur participation!

(Vous pouvez lire des commentaires et opinions complets ici.)

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